Porter le marché unique au niveau supérieur grâce à une politique d’application rigoureuse

Le CESE a adopté un avis d’initiative contenant plusieurs recommandations sur la manière de renforcer la politique d’application en tant qu’outil central pour réduire la fragmentation du marché unique. Celui-ci s’appuie sur certaines des recommandations clés des rapports Letta et Draghi et fournit des éléments permettant de garantir la mise en œuvre rapide de la stratégie pour le marché unique, dans laquelle la Commission reconnaît la nécessité d’intensifier les efforts en matière d’application. L’avis invite instamment la Commission à adopter une approche claire et coordonnée qui associe les mesures préventives, collaboratives et correctives visant à faire respecter le droit de l’Union. Il insiste également sur la responsabilité essentielle des États membres de mettre en œuvre correctement et rapidement le droit de l’Union.

La réduction des efforts déployés par la Commission en matière d’application suscite des inquiétudes: le tableau d’affichage du marché unique pour l’année 2023 révèle que le nombre de procédures en manquement aux règles du marché unique a enregistré une baisse cumulée de 21 % par rapport aux quatre années précédentes. Cette baisse peut s’expliquer par la diminution du nombre de nouvelles directives à transposer, une aide accrue apportée aux États membres pour transposer et appliquer ces textes ou encore par une utilisation plus fréquente du dialogue EU Pilot entre la Commission et les États membres. Cependant, certains universitaires affirment que cette évolution pourrait être due au fait que la Commission subit une influence politique excessive dans son double rôle en tant que responsable de l’application du droit d’une part, et moteur politique de l’intégration d’autre part.

Un large consensus se dégage quant à la nécessité de renforcer la politique d’application, également affirmée dans la stratégie pour le marché unique. Une politique déficiente en la matière, soumise aux ingérences extérieures, favorise en effet la persistance des barrières, des inégalités et de la fragmentation du marché unique. Dans une avancée significative, la Commission a élargi, en juillet 2025, la portée des rapports annuels sur l’état de droit afin d’y inclure la dimension du marché unique, en mettant l’accent sur les questions touchant les entreprises transnationales, en particulier les PME, et de fournir des orientations aux États membres pour garantir l’application de la législation relative au marché.

Dans ce contexte, l’avis préconise une réflexion approfondie sur l’utilisation et la pertinence des mesures préventives visant à éviter les risques de fragmentation et de conformité lors de l’élaboration de la législation de l’Union, d’une approche claire et coordonnée associant les outils préventifs, collaboratifs et correctifs, des procédures d’infraction plus transparentes et rationalisées afin de veiller à l’obligation de rendre des comptes dans l’exercice des larges pouvoirs de la Commission et de l’utilisation et de la disponibilité d’instruments de l’UE à l’égard des citoyens et des entreprises.

Afin de prévenir les infractions, la mise en œuvre adéquate du droit de l’Union devrait être intégrée à toutes les étapes du processus législatif, en recensant les écueils juridiques, administratifs ou pratiques liés à la transposition et à la mise en œuvre de la législation, et en définissant les modalités de suivi des progrès, les mesures de soutien (y compris pour les PME) et un calendrier précis pour chaque mesure législative.

Nous soulignons l’importance de mettre en œuvre ces principes tout au long de l’élaboration, de la négociation et de l’adoption de la législation européenne, et insistons sur la nécessité d’adopter des lois qui soient facilement applicables. Une telle obligation doit incomber non seulement à la Commission, mais aussi aux colégislateurs: très souvent, à l’issue des négociations, nombre de questions pertinentes sont laissées à l’appréciation des États membres, y compris le recours à des clauses de non-participation ou des invitations à la surréglementation. Il s’agit là d’un obstacle majeur qui compromet l’égalité des conditions de concurrence au sein du marché unique. Nous demandons dès lors un engagement formel des États membres à éviter la surréglementation lors de la transposition ou de la mise en œuvre nationales du droit de l’Union.

Nous demandons à la Commission de:

  • mettre à jour sa communication de 2022 sur l’application de la législation;
  • simplifier et renforcer les différents outils existants visant à garantir le respect des règles (tels que SOLVIT, le SMET, les réunions «paquet», EU Pilot et IMI) et améliorer leur coordination;
  • simplifier l’accès des plaignants et des citoyens à des outils comme TRIS;
  • promouvoir la culture du respect des règles en présentant chaque année les priorités en matière de contrôle de l’application et en les intégrant de manière plus détaillée dans un rapport.

Dans ce contexte, nous invitons les États membres à fournir les ressources requises aux futurs sherpas du marché unique (prévus dans la stratégie pour le marché unique) et à désigner des autorités spécifiquement chargées des affaires liées au marché unique. On ne saurait renforcer l’application sans allouer davantage de ressources aux directions générales de la Commission chargées de la mise en œuvre et de l’application, mais aussi aux autorités nationales qui jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre correcte du droit de l’Union.

En ce qui concerne les procédures d’infraction en tant que principal outil de dissuasion, la Commission doit réduire leur durée, renforcer leur transparence, y compris en fournissant des informations concernant les différentes étapes et le résultat en cas de clôture de la procédure, et améliorer la communication avec les plaignants.

Des procédures d’infraction plus souples et plus transparentes sont essentielles pour éviter les situations d’insécurité juridique et les conséquences négatives à long terme qui peuvent affecter les entreprises, les travailleurs et les consommateurs.

Pour conclure, l’avis lance un appel pressant aux États membres, dont la volonté politique est indispensable pour renforcer le respect des règles et assurer la simplicité, l’homogénéité et la robustesse du marché unique. Ce n’est qu’au moyen d’efforts coordonnés et rapides qu’il sera possible de porter le marché unique au niveau supérieur et de s’assurer qu’il puisse ainsi apporter à l’Union la solidité et la croissance renouvelées dont elle a tant besoin.

Par Isabel YGLESIAS JULIÀ, rapporteure de l’avis INT/1085 — «Renforcer l’application des règles du marché unique: révision des outils et du cadre actuels»